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Lectures de Jacques Paradoms
30 août 2023

BAKHITA

Véronique Olmi

Source : Wikimedia CommonsBakhita est une biographie romancée – très peu – ou, mieux, une biographie écrite comme un roman.

Une petite fille de sept ans est enlevée dans son village du Darfour, alors que sa sœur jumelle échappe à l’enlèvement.  À cinq ans, elle avait déjà assisté à l’enlèvement de Kishmet, sa sœur de quatorze ans.  Emmenée comme esclave, avec d’autres, elle marche longtemps dans les déserts et les forêts, sur neuf cents kilomètres.  L’espoir de retrouver sa sœur aînée – même esclave quelque part dans les rues de Khartoum – lui permet de supporter les mauvais traitements.  (Peu importe si les esclaves meurent : la « marchandise » est assez nombreuse.)  Elle est achetée par différents maîtres qui parlent différentes langues.  Au point qu’elle en oublie la sienne, comme elle oublie son nom.  Elle appartient d’abord à un riche arabe qui la destine à être la domestique de sa fille, puis à un général turc. Ce dernier ordonne que Bakhita soit scarifiée selon la méthode du tatouage par incision. Une femme dessine des motifs sur sa peau avec de la farine, coupe sa peau avec une lame en suivant ces motifs, puis emplit les plaies de sel pour que les cicatrices restent marquées. Le général turc vend tous ses esclaves au début de la guerre des mahdistes.

À la chute de Khartoum, elle est acquise par le consul d'Italie à Khartoum, Calisto Legnani qui la traite comme un être humain.  Mais elle ignore combien de temps il la gardera, car pour elle il est devenu normal de changer de maître.  D’ailleurs, celui-ci rentre en Italie en emmenant un jeune garçon, Indri, qu’il compte offrir à un de ses amis en Italie.  Bakhita parvient à convaincre le consul de l’emmener avec lui. 

À la violence extrême, fait place une violence plus subtile, celle de la déchirure, de la séparation.  En quittant l’Afrique, Bakhita sait qu’elle ne retrouvera jamais sa sœur ni sa famille.  Et les séparations vont se multiplier.

Si le lecteur peut comprendre les souffrances passées, il ne peut que les imaginer, n’ayant jamais été esclave ou torturé ; mais il peut ressentir la douleur des séparations.

Ils embarquent pour l’Italie avec une autre famille, les Michieli.  Arrivés à Gênes, Madame Michieli demande à garder Bakhita à son service.

Madame Michieli qui n’a pas encore pu garder un enfant, accouche d’une petite fille, Alice, surnommée Mimmina.  Alors que celle-ci est sur le point de mourir, Bakhita la sauve en aspirant les glaires qui encombrent sa gorge.  Elle en devient ensuite la nounou à laquelle la petite fille est très attachée.

Les Michieli rentrent quelque temps au Soudan en confiant Mimmina et Bakhita aus religieuses canossiennes.  Bakhita y découvre la foi catholique tout en s’occupant de la petite fille.

Lorsque les Michieli retournent définitivement au Soudan où ils ont ouvert un hôtel, Maria Michieli veut que Bakhita les accompagne pour continuer à s’occuper de Mimmina. 

Pour la première fois – et la seule foi – de sa vie, Bakhita ose dire « non » (« Je sors pas. » et refuse de partir malgré le nouveau déchirement qu’elle éprouve en abandonnant l’enfant et les insulte de la mère.  L’affaire est portée en justice et Bakhita obtient gain de cause puisque l’esclavage n’existe pas en Italie.

Bakhita est baptisée et devient religieuse.  L’obéissance lui est facile, puisqu’elle l’a toujours connue.  Mais elle reste un objet.  Objet de crainte, puis de curiosité.  Elle ne change plus de maître, mais ses fonctions changent : cuisine, lingerie, sœur portière.

À la demande de la sœur supérieure, elle raconte sa vie à une dame qui écrit des articles dans la revue des Sœurs canossiennes.  Cela devient un feuilleton, puis un livre qu’on lui demande de présenter, alors qu’elle ne parle que son langage à elle, le « mélange » : dialecte du Darfour, arabe, turc, vénitien officiel et dialectal.  Elle devient un objet de propagande pour recueillir des fonds pour les missions, puis pour Mussolini lui-même (avant les lois raciales).

Elle décède le 8 février 1947 et est canonisée en 2000.

Elle n’aura trouvé une illusion de liberté que dans l’acceptation de son sort.

 

 

Bakhita
Albin Michel, 2017
464 p.
EAN : 9782226393227

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